P    R   E    F    A    C    E

 

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Il serait inutile de m’attarder à raconter tous les malheurs dont fut affligée la famille Colonna d’Istria, au cours des troubles qui agitèrent si longtemps la Corse, et les manières dont elle a conservé intact cet honneur qui est toute sa vie. Je me contenterai de dire une chose : tandis que les membres de cette famille nés sous un ciel plus serein (1) étalaient avec éclat leurs titres et leurs richesses, ceux de la branche corse semblaient éteints et n’avaient de commun avec les premiers que le nom et les vertus.

De fait, les Seigneurs, mes aïeux, qui avaient plus à cœur le bien de la patrie que la conservation de leurs titres et de leurs droits, n’eurent l’esprit tendu vers aucun autre but que de répandre leur sang pour la liberté commune et de se faire reconnaître par cela seulement pour de vrais Colonna, négligeant de la sorte ce que, en un siècle plus heureux et plus tranquille, ils auraient désiré conserver pour s’en faire honneur.

Moi, plus heureux qu’eux sur ce point unique, me reposant des fatigues d’une guerre barbare (2) à l’ombre de ces lys dont la splendeur fit naguère tomber le bandeau fatal qui aveugla si longtemps les plus illustres familles (3), je me suis appliqué à faire connaître à un nouveau gouvernement la maison d’Istria ; et en vertu de documents authentiques, à obtenir des lettres patentes de reconnaissance, pour une noblesse dont l’origine remonte au grand Ugo Colonna, ce Seigneur romain qui, en l’an 816, conquit la Corse et en chassa  les Sarrasins, et qui, pour son entreprise, reçu en fief du pape Etienne IV cette Corse dont il fut reconnu  le Seigneur et le maître.

 


Notes du traducteur

(1) Les Colonna de Rome

(2) Il faisait allusion à la guerre assez sanglante qui éclata en 1768, après le traité de Versailles où la République de Gêne cédait provisoirement à la France ses droits sur la Corse. Cette guerre s’acheva pratiquement par la bataille  du 8 mai 1769 sur le Golo et le Ponte Novo.

(3) La noblesse de Corse fut officiellement reconnue par la Couronne de France en 1770. On distingua 4 catégories : reconnue (comme ici), accordée, étrangère, obtenue par grâce.

 

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