Copie des lettres qui accordent et font revivre le titre de COMTE de CINARCA
A
Monsieur Octavio COLONNA d’ISTRIA
LOUIS,
par la Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous présents et à
venir; SALUT, les révolutions que notre royaume de Corse a éprouvées par les
troubles et les guerres dont il a été agité pendant longtemps, ayant mis le désordre
et la confusion dans les différentes classes de ses habitants; le Feu Roi a jugé
qu’il était de la justice de donner, aux Familles Nobles de cette Île, les
moyens de recouvrer le rang, les honneurs et les distinctions dont elles étaient
autrefois en possession.
Voilà
dans quelle vue il a, par son Edit du mois d’Avril 1770, ordonné que nos
sujets du dit Royaume, qui se prétendaient Nobles, seraient tenus de présenter
leurs titres par-devant notre Conseil Supérieur établi à Bastia, lequel il a
commis pour en faire l’examen et la vérification; se réservant, et à ses
successeurs, d’accorder des titres d’illustration à celles des familles qui
justifieraient en avoir joui. C’est en conséquence de ce Règlement que le
sieur Octavio COLONNA d’ISTRIA, Capitaine des Grenadiers dans notre Régiment
Provincial de Corse, a fait ses preuves en Notre Dit Conseil, qui les a admises
et l’a déclaré Noble de la première classe, par son Arrêté du 20 Décembre
1773, mais comme la mission de ce Tribunal se borne à examiner et à juger de
la validité des titres et preuves de Noblesse qui lui ont été présentés,
le dit Sieur COLONNA d’ISTRIA a eu recours à notre autorité, pour être réintégré
dans la possession du titre de COMTE, dont les ancêtres ont joui ; il Nous a,
à cet effet, justifié par la généalogie, et par le témoignage des
historiens que, dès l’année 824, Ugo COLONNA, l’un de ses auteurs, prenait
ce titre, et que sa Famille n’a cessé de le porter qu’en 1515, que cette même
Famille a donné cinq papes à l’Eglise, plus de quarante cardinaux, dont deux
actuellement vivants,
nombre d’Archevêques, Evêques, et de personnes de l’un et l’autre
sexe consacrées à la religion, et recommandables par leur mérite, que parmi
les autres personnages illustres qui en sont descendus, elle compte des
Vice-Rois, et des Connétables du Royaume de Naples, des Maréchaux de France,
des Grands d’Espagne, des Préfets et Commandants de Rome, des Généraux et
d’autres Officiers de distinction, qu’elle a été souveraine de la plus
grande partie du Royaume de Corse, à une province duquel Cicarno COLONNA, fils
d’Ugo, a laissé son nom ; et qu’enfin elle a toujours donné à la France
des marques d’un attachement tout particulier, notamment sous Henri II, et
sous Henri III ; à ces différentes considérations, se joignant celles que le
Sieur COLONNA a personnellement rendues à notre Etat. Revêtu, à l’époque
de la réunion de la Corse à notre Couronne, du double emploi de Conseiller
d’Etat à la Nation, et de Commandant Général de la partie de l’Ile, au
delà des Monts, il a beaucoup contribué, par son crédit, à la soumission du
pays, et les preuves qu’il a données en cette occasion importante, d’un zèle
pour la France qui ne s'est jamais démenti, nous apprenant ce que nous devons
attendre de lui dans l’exercice des fonctions militaires que nous lui avons
confiées. Tels sont les motifs qui nous portent à faire revivre, en sa faveur
le titre de COMTE DE CINARCA, longtemps porté par ses ancêtres, persuadés que
nous sommes qu’une distinction aussi bien méritée, invitera nos autres
Sujets corses, à se rendre par les mêmes services dignes des mêmes bienfaits
; à ces causes, et autres, à ce nous mouvant de 1’avis de notre Conseil et
de notre Grâce spéciale, pleine puissance et
autorité Royale ; nous avons fait et créé, et par ces présentes signées
de notre main, faisons et créons COMTE, le dit Sieur Octavio COLONNA d’ISTRIA
sous le titre de COMTE DE CINARCA, ensemble les aînés de ses enfants et
descendants mâles nés à naître en légitime mariage.
Leur
permettons de se dire et qualifier COMTE DE CINARCA ; en tous actes et endroits,
tant en jugement, que hors de jugement, sans qu’ils soient tenus d’affecter
ni d’appliquer le titre de COMTE DE CINARCA à aucune terre, ni d’en faire
ériger, pour cet effet, en Comté sous la dénomination de Comté de CINARCA ;
de quoi nous les avons expressément dispensés, à la charge que le dit titre
relèvera de Nous. Voulons que le dit Sieur COLONNA d’ISTRIA, ensemble les aînés
de ses enfants et descendants mâles nés et à naître en mariage légitime,
jouissent en ladite qualité de COMTE DE CINARCA, de tous les privilèges,
franchises, libertés, exemptions, rangs, prééminences, droits honorifiques
dans l’église et ailleurs, et autres prérogatives qui doivent être attribuées
audit titre, et dont jouissent et pourront jouir par la suite, les autres Comtes
créés ou à créer dans notre dit Royaume de Corse. N’entendront, au
surplus, que le Sieur COLONNA d’ISTRIA ou ses descendants, puissent en vertu
du dit titre de COMTE DE CINARCA, s’attribuer sur les habitants de la Piève
de CINARCA, et Province de Vico, aucun droit de vasselage, justice et suzeraineté,
encore que ses auteurs en eussent joui. Si donnons en mandements à tous autres
nos Officiers et Justiciers qu’il appartiendra, que ces présentes ils aient
à faire registrer, et du contenu d’icelles, faire jouir et user le dit Sieur
COLONNA d’ISTRIA ensemble les aînés de ses enfants et descendants mâles nés
et à naître de mariage légitime, pleinement, paisiblement, et perpétuellement,
cessant et faisant cesser tout trouble et empêchement, et nonobstant toutes
choses à ce contraires, auxquelles nous avons dérogé et dérogeons par ces
dites présentes. Car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et
stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes.
Donné à Versailles, au mois d’Août, l’an de Grâce 1777 et de notre règne
le quatrième,
Signé
LOUIS. Et sur le repli, par le Roi,
Signé :
SAINT GERMAIN