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Ces
espérances avaient immédiatement séduit le roi, qui avait répondu à
Jeanne par une promesse de secours. Bien que les offres napolitaines lui
fussent parvenues dans les premiers jours de décembre (1), il avait
patienté jusqu'à l'expiration de l'armistice conclu avec Bonifacio. Au
mois de janvier sa présence devant la
ville ne semblait plus indispensable. Les assiégés avaient été sans
doute ravitaillés, mais épuisés par souffrances, ils seraient bientôt
amenés à capituler. Le Comte d’Istria était capable de conduire
jusqu'au bout cette opération militaire, tandis que son suzerain irait
recueillir le brillant héritage qu’on lui offrait. Alphonse V remit
donc le pouvoir à son Vice-roi et leva l'ancre au mois de Janvier 1421,
emmenant avec lui la flotte qui aurait été nécessaire pour
rendre le blocus de la place plus efficace, mais dont il avait besoin pour
repousser le débarquement tranco-génois dans le royaume napolitain. L’intervention
personnelle en Corse du roi d'Aragon avait duré quatre mois. Pendant
cette courte période, la Corse presque entière lui avait prêté
hommage. Son départ rendait la conquête de l'île aussi précaire
qu'auparavant ; il permettait aux jalousies et aux convoitises de se réveiller
et affaiblissait l'autorité du Comte d'Istria. Les difficultés
allaient reparaître. Presque aussitôt en effet deux événements se
produisirent qui compromirent les résultats si difficilement obtenus.
Le siège de Bonifacio fut d'abord levé. Le Vice-roi se sentit impuissant
à empêcher le ravitaillement de la place ou à emporter d'assaut avec
ses seules forces. Les habitants délivrés s'empressèrent de renvoyer
les officiers qui les gouvernaient au nom d'Abraham Fregoso et se
donnèrent
à la République dont ils devaient rester les fidèles sujets. Ceux
de Calvi à leur tour se révoltèrent. À la nouvelle que la flotte
aragonaise faisait voile vers la Sicile ________ (1) La imbasciata della Regina era venuto in Bonifatio avanti il socorso delli Genovesi, Giovanni della Grossa chronique, p. 281 |
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un
complot s'organisa pour rendre à la ville l'indépendance perdue. Les
intérêts économiques et les traditions politiques s'accordaient pour
faire paraître la domination catalane insupportable. Gênes était une alliée
plus avantageuse et son gouvernement plus libéral. Les Calvais n'avaient
jamais eu à se plaindre de cette cité, tandis que la garnison catalane
faisait preuve d'insolence et d'exigences. Les soixante espagnols qui la
composaient furent donc expulsés ou obligés de capituler (l) ; un
nouveau traité d'alliance assura à la République
dans le nord de l'île un point d'appui aussi important que l'était
Bonifacio dans le sud. Ainsi
s'évanouirent les craintes que l'intervention du roi d’Aragon avait pu
inspirer aux Génois au sujet dé leur domination dans l'île. On peut
dire, en terminant l'histoire de cette courte expédition, qu'Alphonse
perdit par sa faute la partie qu’il avait engagée et que la domination
espagnole fut condamnée dans l'île. La facilité avec laquelle il en
avait fait la conquête prouve que les Corses étaient prêts à se
tourner contre Gênes pour peu qu'ils trouvassent un seigneur juste, libéral
et peu exigeant. Gênes, que l'anarchie intérieure rendait incapable de
lutter, allait tomber entre les mains du duc de Milan. Pour la deuxième
fois, l'Aragon ne devait pas profiter des circonstances, En 1408, les
succès de Vincentello avaient été dus à l'impuissance de la République
ligurienne occupée par les Français. En 1421 la situation était la même.
Un politique plus avisé aurait redoublé d'efforts et achevé
l'expulsion des Génois. Alphonse se laissa décourager et détourner par
le mirage ________ (1)
Les historiens ne sont pas
d'accord sur la manière dont la ville se libéra. Giovanni della Grossa
(Chronique, p. 282), sans doute mieux informé, l'attribue à une
ruse des habitants qui éloigna une partie de la garnison et obligea
l'autre à capituler
en échange de la liberté. P. Cymée déclare que la population se
souleva pour ne pas livrer les otages demandés par le Roi et massacra
tous les étrangers à l'exception de quatre qui furent chargés d'aller
informer Alphonse V, D'autres enfin déclarent que l'auteur de la révolte
fut un jeune homme, nommé Baglioni, qui reçut de ses compatriotes le
surnom de Libertà, gardé par sa famille. |
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du
royaume de Naples. Désormais une nouvelle période commence : elle sera
caractérisée par la dépense d'énergie que Vincentello
s'imposa pour conserver sa conquête à un prince qui s'en désintéresse.
III Le
Comte d'Istria après avoir quitté le golfe de Bonifacio était allé séjourner
pendant deux mois dans le comté
de Cinarca pour en imposer par sa présence aux seigneurs turbulents que
le départ du roi aurait poussé à la révolte. Il
se rendit ensuite à Biguglia, siège du gouvernement. Pendant
treize ans, de 1421 à 1434,
il gouverne, administre, réprime et lutte avec la plus grande
bravoure contre ses ennemis de jour en jour plus nombreux, pour le compte
d'un prince qui semble l'ignorer. Au
point de vue territorial l'île presque entière se trouve sous la
domination nominale du roi d'Aragon dont il est le lieutenant. Calvi et
Bonifacio seules lui échappent ainsi que le district de San-Colombano
à l'extrémité
du Cap-Corse qui est demeuré en la possession des seigneurs da Mare. La
partie méridionale de l'île entre Bonifacio et la piève de Rocca (Levie)
a été placée sous l'autorité de Polo de la Rocca, créé chevalier par
Alphonse. Le reste du territoire est soumis à
l'autorité du Comte. Par son mariage avec la fille du marquis
Gentile de Nonza, il tient sous sa dépendance les seigneuries de Brando
et Nonza. Il a pour vassal Renuccio de Leca auquel il a confié le
gouvernement de toute la région occidentale depuis la Cinarca jusqu'à la
banlieue de Calvi, c'est à dire de Vico, Evisa, Galeria, etc. Il
salarie enfin les principales familles de la partie orientale, évêques
et caporaux. Tous lui doivent l'assistance militaire et le conseil (1).
Dans ses déplacements ________ (1)
Chronique de Giovanni, p. 287 :
Stavano sempre pronti al servizio
del Conte.
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fréquents,
dans ses tournées d'inspection, il est toujours suivi par une foule de
personnages qui lui composent une véritable armée. Sa
grande préoccupation est d'assurer une prompte et bonne justice au peuple
qu'il administre ; il sait quelle est sa susceptibilité, quelle
difficulté a toujours présentée le rôle d’arbitre dans ce
pays où les habitants ont l'amour-propre si chatouilleux. Lorsqu'il nomme
les fonctionnaires annuels du gouvernement, chanceliers, fiscaux, avocats,
trésoriers, secrétaires, employés etc., il leur recommande instamment de
se montrer justes avant tout. Il choisit comme vicaires (1) ou juges
souverains pour les affaires criminelles et civiles les deux personnages
les plus réputés pour leur loyauté ou capables d'inspirer toute confiance
aux justiciables. Il désigne tantôt des Espagnols qui pourront se montrer
plus équitables en raison de leur nationalité étrangère ; tantôt le
notaire Giovanni qui semble avoir joui d'une légitime réputation parmi
ses compatriotes pour sa loyauté ; tantôt Jean d'Istria, son frère, dont
le roi d'Aragon a fait un chevalier en récompense des bons services rendus
sur mer contre les Barbaresques. Ses instructions ne varient pas ; aux uns
comme aux autres il recommande par dessus tout l'impartialité. Par ce
moyen il obtient quelques années de tranquillité (2). Lui-même il
chevauche
continuellement par monts et par vaux, surveille ses vassaux, les punit
souvent et par sa présence continuelle (3) les maintient dans le devoir
autant qu'il était possible dans ce pays anarchique. Le peuple paraît avoir également connu une période de ________ (1)
Il y avait deux vicaires l'un chargé des
affaires criminelles, l'autre des affaires civiles. Ils devaient présenter
au Vice-roi qui statuait définitivement des rapports documentés sur les
affaires qu'ils instruisaient en appel ; mais ils étaient aussi juges en
première instance. (2)
Chronique de Giovanni, p. 286 : Come sempre soleva a tutti li ministri di la
justitia incaricare che faciessero buona justitia ..... La incaricò molto a
misser Giovanni il quale cosi fece molta justitia. (3) Idem : Se ne andava passeggiando per tutta Corsica da la una e l'altra parte di li monti ... e prese il paese gran pace |
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bon gouvernement. Les impôts et taxes régulièrement perçus étaient acquittés sans murmure. Vincentello se contentait d'exiger la taille de vingt sous par feu, que les Corses s'étaient imposé eux-mêmes, lors de leur annexion à la République en 1358. Les habitants soumis à l'impôt devaient en outre au Comte et à sa suite la nourriture et le logement. Le revenu des tailles était partagé en deux parts égales : la première était destinée au paiement des pensions que le Vice-roi distribuait à ses partisans ; il gardait la seconde pour, lui et pour la solde des garnisons établies dans les châteaux forts. Le même partage était effectué avec Renuccio de Leca sur les terres qu'il administrait, mais il n'apparaît pas que la couronne d'Aragon prélevât un tribut quelconque sur l'ensemble de ces revenus. La Corse devait avoir aux yeux de son suzerain une importance exclusivement politique et commerciale ; il ne songea pas à tirer de ses populations pauvres et hostiles à toute taille supplémentaire l'argent dont il aurait eu besoin pour son expédition napolitaine et qu'il devait demander à ses autres possessions. La
paix intérieure dont jouissait l’île était d'autant plus compréhensible
que les Aragonais et les Génois étaient alors occupés par d'autres
conflits et avaient déserté le champ de bataille corse. En 1421, Gênes
assaillie par le puissant duc de Milan, Philippe-Marie Visconti, avait dû
subir sa domination. Alphonse V, venait de faire la conquête du royaume
de Naples et de Vaincre à la fois son rival, le duc d'Anjou, et ses
adversaires
génois. Mais l'année suivante les événements avaient changé.
L'Aragonais s'était brouillé avec sa mère adoptive et celle-ci avait
choisi l'Angevin pour, héritier Le duc de Milan, protecteur de la République
ligurienne, avait alors pris la défense du nouveau prétendant, tandis
que le roi d'Aragon, assailli par la coalition de ces trois adversaires
n'avait pas tardé à perdre sa conquête. Il ne trouva dans sa détresse
qu'un seul allié, le souverain pontife, Martin V, dont l'élection en |