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Gênes et Venise. La marine est devenue l’occupation principale des Catalans ; leurs navires sont réputés par leur légèreté et tous les états viennent les affréter. La protection intelligente des rois a favorisé cet essor ; les franchises dont les navires aragonais jouissent dans tous les ports soumis à   leur domination, Corse et Sardaigne comprises, expliquent en partie cette prospérité. On trouve des navires de Catalogne en Barbarie, en Syrie, en Egypte, en Chypre, à Rhodes, à Candie, en Morée et dans l'Empire grec. Presque partout ils ont leurs consulats, leurs « loges » et leurs entrepôts. Ils rivalisent avec les Génois et les Vénitiens, supplantent les premiers à Chypre et les seconds à Constantinople. Ils deviennent parfois corsaires, arrêtent les navires chargés d’épices et de marchandises précieuses de ces deux Républiques et se font payer rançon. En 1400 ils venaient de fonder une grande compagnie catalane dont l'audace épouvantait l'Orient grec, latin ou musulman et on pouvait prévoir aux XIVe et XVe siècles la création d'un grand empire aragonais, à la fois territorial et économique, dont la réalisation sembla presque assurée lorsque Alphonse V devint en 1420 l'héritier de la reine de Naples.

 

Comment s'étonnerait-on maintenant de l'inquiétude des Génois et de leur jalousie pour un rival heureux auquel ils se heurtaient dans toutes leurs entreprises et qui protégeait même leurs ennemis (1). À une époque où le commerce ligurien traversait une crise due à l'anarchie et à l'arrivée de nouveaux concurrents, ce rival leur avait enlevé la Sardaigne, les dépouillait peu à peu du commerce du Levant et voici qu'il leur disputait la Corse. On sait de nos jours combien la lutte économique met aux prises les nations européennes et quels graves dangers la concurrence commerciale fait courir à la paix mondiale. Dans ce XVe siècle de troubles, la haine et la jalousie n'étaient pas moins dangereuses et plus

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(1) À plusieurs reprises les rois de Chypre attaqués par les vaisseaux génois furent secourus par les Catalans.

 

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d'une guerre eut pour cause la rivalité sur mer de Gênes, Pise, Venise et Barcelone. Le bonheur des Catalans surexcitait les Génois. Depuis sa victoire sur les Pisans à la Méloria en 1284 et l'occupation de Bonifacio la, République avait été ensanglantée par les guerres intestines. L'institution en 1190 d'un podestat qui devait être pris en dehors des citoyens pour éviter les jalousies et les partialités et servir d'arbitre en exerçant les fonctions judiciaires, n'avait pas donné les résultats espérés ; on en était· arrivé à confier le pouvoir à des princes ou à des gouvernements étrangers. Les familles guelfes des Fieschi et des Grimaldi, alliées du pape, avaient chassé de la cité les Doria et les Spinola inféodées à  l'influence impériale en Italie et reconnues comme gibelines. Gênes assaillie par les exilés n'avait dû son salut qu'à l'arrivée de Robert d'Anjou, roi de Naples, appelé au secours des assiégeants (1319). Depuis lors  les luttes entre les deux factions d'une part, entre le  peuple et l'aristocratie de l'autre pour la conquête de la dignité ducale, créée en 1339, n'avaient jamais cessé. En même temps la cité avait à combattre l'hostilité de Venise qui ne pardonnait pas à Gênes de lui  avoir ravi en partie son influence dans le Levant par la destruction de l'empire latin de Constantinople. Les Vénitiens en effet avaient concouru à sa fondation en 1204 ; les Paléologues le renversèrent avec l'aide des Génois et pour leur profit. En 1350, puis en 1378 une guerre longue et difficile avait éclaté entre les deux Républiques. Gênes avait du recourir à l'intervention étrangère. La première fois elle s'était donnée au seigneur de Milan, l'archevêque Jean Visconti ; la deuxième, obligée de faire face à la coalition de Milan et de Venise, elle avait été heureuse, après la destruction de sa flotte, d'accepter la médiation du duc de Savoie qui avait rétabli la paix. Et tandis que son adversaire allait reconquérir Candie, puis la Dalmatie, s'emparer du teritoire de Padoue, devenir l’une des métropoles commerciales de la Méditerranée, Gênes continuait à s'affaiblir

 

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et à mettre toutes ses espérances dans une domination étrangère. Les partis guelfe et gibelin étaient maintenant battus en brèche par un parti populaire qui fit élire son chef Montalto comme doge ; celui-ci fut à son tour, renversé par les gibelins dont le chef Adorno reprit le pouvoir .

Ces compétitions qui affaiblissaient la cité étaient d'autant plus inquiétantes que le danger musulman croissait en Orient et menaçait la sécurité commerciale de l’Archipel. Il ne fallait attendre aucune protection du défenseur naturel, l'empereur Wenceslas qui n'avait gardé aucune autorité et en était réduit à se cacher en  Bohême. La papauté, déchirée par le schisme qui dressait l'un contre l'autre le pape d'Avignon et celui de Rome, était impuissante à provoquer une croisade qui arrêterait les progrès de l’islam. Gênes crut pouvoir jouer ce rôle qui correspondait si bien à son intérêt. Elle organisa une expédition à la fois religieuse et commerciale et sollicita le concours de la France où la croisade avait toujours été populaire. Ce furent en effet des seigneurs Français qui sous la conduite du duc de Bourbon et pour le plus grand avantage du commerce génois allèrent combattre les Sarrasins d'Afrique en Tunisie et assiéger le repaire des pirates de Cagliari.

Ces services rendus par des sujets de Charles VI suggérèrent à quelques marchands l’idée de se donner complètement à ce roi ; il serait seul assez fort pour faire  régner la paix et l'ordre si nécessaire au développement commercial et pour défendre les intérêts de la République dans le Levant. Le projet rencontra par hasard l'approbation de tous les partis. L'aristocratie cherchait un maître qui la délivrerait du gouvernement populaire ; les guelfes se flattaient de renverser un doge gibelin ; celui-ci espérait au contraire garder le pouvoir, et quant au peuple il pensait en retirer l'occupation de la ville de Savone qu'il convoitait. Après avoir failli se donner au duc d'Orléans qui, avec la complicité du pape, rêvait la fondation d'un royaume

 

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d’Hadria à son profit, Gênes se livra à Charles VI qui en prit possession le 27 novembre 1396 tout en lui laissant la dénomination de ville d’empire.

 

L'occupation française dura treize ans. La République n'en retira pas tous les avantages qu'elle attendait. Si le maréchal Boucicaut, envoyé comme gouverneur, fit régner la paix dans la ville, il ne lui donna ni la prépondérance en Orient, ni Savone. Il plaça, au contraire cette localité sous la domination de son roi, puis acquit Monaco et l'île d'Elbe travailla surtout à établir la souveraineté du duc d'Orléans à Livourne et à Pise. Pendant l'été de 1409, en l'absence de Boucicaut, une émeute populaire éclata et mit fin à l'occupation française. Les révoltés firent appel à un autre protecteur, le marquis de Montferrat, avec lequel les rivalités guelfe et gibeline recommencèrent. C'était le temps où la guerre éclatait avec Florence, où elle était imminente avec les Anglais qui reprochaient aux Génois les secours fournis à la France, où les Turcs vainqueurs de l'armée chrétienne à Nicopolis (1396)  devenaient plus menaçants que jamais, où la guerre enfin avec l'Aragon éclatait au sujet de l'île de Chio (1411). Les intérêts commerciaux et les possessions territoriales de la République étaient donc fortement menacés. Au péril vénitien et musulman s'ajoutait depuis un siècle le danger aragonais. C'est sur la Corse que celui-ci s'abattait et c'est dans cette Île que la rivalité des deux états allait présenter le plus grand acharnement. Les Génois songèrent à défendre avec énergie la conquête qu'ils avaient eux-mêmes enlevée aux Pisans. Pendant 25 ans la guerre se poursuivit en Corse avec des succès et des revers alternatifs, interrompue à différentes reprises par les embarras extérieurs des deux adversaires et illustrée par les exploits de Vincentello d'Istria.

 

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Vincentello appartenait à cette noblesse turbulente

 

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de Cinarca qui avait donné plusieurs héros à la Corse et n’avait presque jamais reconnu la domination génoise.­ Ils descendait directement de ce célèbre Sinucello qui avait défendu avec succès la cause des Pisans jusqu'à la fin de sa vie et dont la République n'avait pu se débarrasser que par la violence en 1331. Son père Guilfuccio, seigneur d'Istria, « homme prudent et valeureux »  dit Giovanni della Grossa, s’était même signalé par la haine implacable qu'il avait vouée à la famille de la Rocca, à laquelle pourtant il était étroitement apparenté. Peut-être était-il responsable en partie de la mort de Guillaume della Rocca, son rival. On s'explique alors qu'il n'ait jamais consenti à une réconciliation avec Arrigo della Rocca, fils de la victime, dont il craignait le courroux et qui vengea son père par tous les moyens.

La faveur que le roi d'Aragon prodigua à cet Arrigo obligea Ghilfuccio à chercher protection auprès des Génois. Ils lui donnèrent la seigneurie de Cinarca où il mourut de la fièvre.

Son jeune fils Vincentello se trouvait donc avec une vengeance redoutable à soutenir contre la ramille della Rocca alors toute puissante. Mais après la mort d'Arrigo, son fils François avait été assailli par une coalition des anciens seigneurs dépossédés par son père (1401) ; c'est en vain qu'il avait sollicité l'appui du roi d’Aragon. François qui n'avait probablement pas la valeur du comte Arrigo se tourna vers les Génois et se recommanda à leur gouverneur Raphaël de Montalto. Il lui vendit honteusement son patrimoine pour une somme de trois cents livres et reçut en échange le titre de vicaire général. Cette volte-face subite de la Rocca mettait Vincentello en mauvaise posture. Les haines de famille l'emportaient souvent à cette époque sur toute autre considération. Le Jeune comte d'Istria refusant de s'incliner devant l'ennemi de sa famille abandonna  parti génois.

 

Le chroniqueur Giovanni della Grossa qui connut intimement le

 

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héros au temps de sa gloire nous en a laissé un portrait vivant et précis. De haute taille, dit-il, avait les bras petits et arqués au point qu'il ne pouvait les tendre complètement. Les doigts courts et gros se terminaient en spatules ; le visage était ridé comme celui ­d’une vieille femme, mais illuminé par de beaux yeux noirs. Une verrue énorme placée près du nez sous la paupière droite Laissait croire au premier abord que c'était un œil sorti de son orbite et qui pendait.  Il avait de grosses jambes, un buste bien proportionné et malgré tout, l'ensemble de sa personne ne manquait pas de charme. Ce corps donnait au physique l'impression d'une vigueur peu commune ; c'était celui d'un lutteur infatigable que les combats et les blessures n'épuisèrent presque jamais. Au moral, le personnage était sensuel, violent dans ses passions, prêt à tout pour les satisfaire, à la ruse comme au crime ; il poursuivait de ses assiduités les jeunes filles et les épouses de ses vassaux qui avaient le malheur de lui plaire et ne reculait devant aucune mesure pour arriver à ses fins. Vindicatif à l’excès, comme tous les hommes de cette époque un peu barbare, semblable aux lourds guerriers du Moyen Âge en France, il poursuivait ses ennemis d'une haine implacable, qu'ils fussent génois ou membres de la famille della Rocca ; s'il ne pouvait les atteindre dans leur personne même, il s'emparait de leurs biens et déshonorait les femmes. Redouté et haï par ses adversaires, il permit tout à ses favoris. Toutefois peu sanguinaire par tempérament, il n’aime pas à verser le sang inutilement. Jamais on ne le voit mettre à mort les prisonniers ou ordonner le massacre. Plus humain en cela que beaucoup de ses adversaires, il relâche les ennemis insignifiants et permet aux autres de se racheter. Quand le hasard de la guerre lui livre son rival le plus redoutable, le génois Fregoso, grièvement blessé, il lui fait prodiguer tous les soins nécessaires et le laisse (1) se rétablir avant de l’enfermer comme otage dans une forteresse. Mais les haines dont

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(1) Giovanni della Grossa, Chronique éd. 1910, p. 279.

 

     

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il se sent entouré, les trahisons qui menacent à tout instant sa vie ou sa liberté lui dictèrent souvent une politique violente et soupçonneuse dont il eut parfois à se repentir dans la suite. Il se trouve un jour en présence d'un jeune homme, sans grande noblesse, Renuccio de Leca, dont l'air hardi et l'ambition ardente l'inquiètent. Il le fait aussitôt arrêter et jeter en prison. Mais cet acte de violence et d'injustice ne l'en débarrasse pas car il s'évade peu de temps après et Renuccio commence contre le déloyal comte une guerre longue et dangereuse. Un autre jour, Vincentello marche contre des seigneurs révoltés et retranchés dans la forteresse presque inaccessible de Baricini. Il craint de ne pouvoir s'en emparer de vive force et confie à deux de ses soldats espagnols la mission de se présenter au château comme transfuges, de s'y faire admettre et de poignarder ses adversaires. La ruse réussit à merveille. Il savait aussi à l'occasion user de tactique. Il se montra supérieur à presque tous ses ennemis tant dans l'attaque par surprise où le courage et la vigueur sont nécessaires que dans les préparatifs de défense où l'habileté du commandement est une garantie du succès. Tempérament plein de vie qui ne désespéra jamais de la victoire, il mit au service d'une cause perdue d'avance par la faute du suzerain cette activité débordante qui est le trait distinctif de sa nature et qui étonnera à juste titre ceux qui suivront au cours de cette étude et dans des régions presque impraticab1es les exploits de notre personnage.   Et, pour achever de donner en quelques mots l'idée de cette physionomie, disons qu'il fut un guerrier de talent, une sorte de condottiere audacieux qui sur terre comme sur mer se montra presque toujours digne de triompher (1), fit preuve de réels talents de général, d'administrateur, se laissa conduire par l'amour, l'ambition et la vengeance et apparut comme l'une des figures les plus curieuses de ce temps.

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(1) Valoroso homo, perito in moite occasione di guel'ra tutta la vita sua in Corsica e fuori… Giovanni della Grossa, Chronique, p. 275

 

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Trop orgueilleux pour s'incliner devant un ennemi, il préféra s'exiler et se réfugier, en Sardaigne. Il équipa avec quelques-uns de ses compagnons d'exil un vaisseau qui lui permit de faire la guerre de course. Pendant quatre années, il ravagea le territoire de Bonifacio et avec le produit de ses prises il put armer une brigantine, puis une galère, Il terrifia  la flotte marchande des Génois. Ces succès lui donnèrent l'ambition d’agir sur un champ plus vaste. Mais l'insuffisance de ses ressources le contraignait à chercher un allié qui lui fournit des subsides contre la République ligurienne, C'est alors qu'il songea au roi d'Aragon.

 

Aucun ne semblait plus désigné : il était en guerre depuis quelque temps avec cette République et ses droits sur la Corse étaient reconnus par beaucoup de seigneurs ultramontains. Une alliance avec lui ne pouvait être qu’avantageuse. Vincentello se rendit en Catalogne, peut-être sur l'invitation du prince, et y trouva l'accueil le plus aimable. Dès ce moment furent noués les rapports qui devaient cesser seulement avec la mort du héros corse. Les événements ultérieurs prouvèrent que celui-ci s'était constitué l'homme lige du roi et que toutes ses entreprises allaient être conduites au nom et pour le profit du suzerain espagnol. Celui-ci lui confia une galère,  lui donna de l'argent et chargea son fils, Martin, roi de Sicile, de le prendre sous sa, protection et de favoriser par tous les moyens son débarquement en Corse. Tout officier aragonais de terre et de mer devait reconnaître Vincentello pour chef et lui prêter l'assistance, qu'il réclamerait. Le seigneur corse devenait ainsi le lieutenant du roi d'Aragon dont les forces terrestres et maritimes étaient mises à sa disposition pour la conquête de sa patrie.

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(1) Cf. Giovanni della Grossa,  Chronique, p, 217.

 

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À ce moment même (1406) Leonello Lomellino venait de s'en faire attribuer la seigneurie et Il était arrivé dans l'île avec l'intention arrêtée de reconstituer sa fortune. Il considérait les hommes et les animaux de son fief comme lui appartenant et le proclamait bien haut. Mais il aurait fallu pour réussir dans son projet avoir des ressources propres considérables ou un concours efficace du gouverneur français. En l'absence de l'un et de l'autre, il ne pouvait que s'attirer le dédain des seigneurs et la colère des gens du peuple.

L’arrivée de Vincentello avec trois galères et une galiote le lui fit bien voir. A peine le comte d'Istria eut-il débarqué dans cette Cinarca qui avait été le domaine de ses ancêtres, que la population se souleva en sa faveur. Les seigneurs accueillirent avec empressement le délégué d'un roi dont les prétentions sur leurs terres étaient au moins égales à celles des Génois. François della Rocca et le comte Leonello n'eurent que le temps de quitter en toute hâte Bonifacio où ils étaient venus pour combattre l'envahisseur ; pour ne pas se trouver isolés de leur base d'opérations, ils regagnèrent à marches forcées Biguglia, qui était alors le siège du gouvernement génois. Vincentello les y suivit avec ses partisans, mit le siège autour du château que Lomellino et son vicaire venaient d'abandonner, l'un pour se sauver à Gênes, l'autre pour se réfugier à Bonifacio. Cette dispersion rapide des adversaires est à rapprocher de la facilité avec laquelle le nouveau venu fit la conquête de l'île. La vantardise de Leonello et la lâcheté de Francesco s'expliquent sans doute par la défection des Corses, mais aus­si par la popularité subite du lieutenant d’Aragon. Une assemb1ée de ses partisans lui décerna, le titre de comte ; au mois de juin 1407, Biguglia Capitula après une faible résistance et en février suivant, le commandant du fort de Bastia, dont la fondation était toute récente, livra la place pour la somme de sept cents francs.

Cette première conquête devait être éphémère. Soit que le nouveau gouvernement eût déplu aux habitants (1),

 

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soit que les seigneurs aient été déçus dans les espérances qu'ils avaient fondées sur le roi d'Aragon, qui semblait se désintéresser des affaires corses (2), Vincentello fut lâché avec un entrain égal à celui qui l'avait accueilli. François della Rocca connut un retour de la fortune et sut deviner le mécontentement. Il sortit de Bonifacio et avec ses partisans dont le nombre ne cessait d'augmenter, il commença une marche triomphale à travers l'île parla piève d’Ornano, ce11e de Vico, de Casinca, jusqu'à Biguglia où à son tour il assiégea son adversaire, l'en délogea et l'obligea à se renfermer clans Bastia. Au cours d'un assaut le comte fut blessé à la jambe d'un coup d'arbalète dont il ne guérit jamais complètement. il s'embarqua sur un de ses navires pour aller demander des renforts au roi de Sicile, tandis que son vainqueur s'empressait d'accourir au devant du nouveau gouverneur, André Lomellino, que sur ses instances la République venait d'envoyer en Corse (juil. 1408).

Vincentello cependant n'abandonnait pas la partie. À peine guéri de sa blessure, il passa en Sicile. Il fut accueilli par le roi avec beaucoup de faveur, et se fit donner deux galères, une flûte et quelques autres petits bâtiments. Ordre fut donné à tous les navires catalans qui croisaient dans les environs de prêter leur concours au comte de Corse, et C'est à la tête d'une véritable flotte composée de neuf navires qu'il cingla vers Ajaccio et y arriva au mois de novembre1408.

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Cette fois le bruit s'accrédita mieux encore au su­jet d'une mission officielle que le roi d'Aragon aurait confiée à Vincentello. Il parut certain que ce prince se  fût décidé à placer sous sa domination une île dont il  avait la propriété nominale depuis si longtemps. Sans la moindre hésitation les seigneurs ultramontains vinrent se ranger sous les Ordres du comte qui, averti par

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  (1) Chronique de Giovanni della Grossa: Il comte Vincentello si curava di fare justizia a persona veruna, p. 250.

(2) Idem. Il re di Aragona non intendeva inel governo e cose di Cor­sica (p. 250) et plus loin : il re non teneva memoria di Corsica (p. 251).

 

   

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