Général Paulin Colonna d’Istria
Après la défaite des troupes françaises consécutive à l'invasion des Panzerdivisionen en mai-juin 1940, la façade Atlantique française est occupée dans sa totalité. À la suite du débarquement des troupes Alliées en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, c'est au tour des côtes méditerranéennes et de la Corse d'être massivement occupées par les forces ennemies. Les troupes italiennes et allemandes comptent bientôt en Corse près de 90000 hommes. Outre la position stratégique de l'île en Méditerranée, cette annexion par le régime de Mussolini répond à une vieille revendication irrédentiste, qui n'est pas sans contrarier le particularisme corse. Aussitôt donc, la Résistance insulaire s'organise mais les opérations clandestines se succèdent de manière éparse et désordonnée. Fred Scamaroni, l'émissaire du général De Gaulle sur l'île, étant tombé prématurément, en mars 1943, entre les mains de l'Occupant, le général Giraud tente de prendre de court les forces gaullistes pour participer à la libération de l'île. C'est en dernier ressort, sur le chef d'escadron de gendarmerie Paulin Colonna d'Istria, alias Césari, que repose le destin de l'île. Par la détermination de cet officier hors-pair, la libération du territoire est progressivement assurée.
Instruit dans l'entre-deux-guerres dans les écoles militaires de la métropole,
Colonna d'Istria compte d'éloquents états de service, notamment au Maghreb.
Lieutenant en 1930, le tirailleur âgé de 25 ans opte pour la gendarmerie.
Promu capitaine, Colonna d'Istria est affecté, en 1936, au territoire d'opérations
d'Afrique du Nord après la déclaration de guerre de septembre 1939. C'est après
le débarquement américain de novembre 1942 que le capitaine Colonna entre dans
la Résistance active. Adjoint au commandant de la gendarmerie d'Afrique du
Nord, depuis le 6 décembre 1942, il est nommé, en janvier 1943, chef d'une
mission secrète en Corse avec l'accord des services britanniques.
Soucieux d'organiser la Résistance, Colonna entre en
relation, en mars 1943, avec le commandant Lejeune, officier de liaison entre le
cabinet du général Giraud et les britanniques du SOE (Special Operations
Executive). Un mois plus tard, accompagné d'un opérateur radio, il débarque
clandestinement sur la côte orientale corse, via le sous-marin Casabianca,
commandé par le capitaine de corvette Jean L'herminier. Plusieurs tonnes
d'armes destinées à l'usage des partisans sont mises en lieu sûr. Son
objectif est alors de cimenter la solidarité résistante, éparpillée entre
différentes organisations qui agissent encore indépendamment les unes des
autres - telles que le Front national, Combat, Libération ou Franc-tireur. Ce rôle
n'est pas sans rappeler celui joué par Jean Moulin à la tête du Conseil
National de la Résistance. Surtout, son action consiste à canaliser l'ardeur
maquisarde insulaire en excluant toute action de guérilla avant le débarquement
du corps expéditionnaire
Cette opération, aussi improvisée qu'elle puisse paraître, fût conçue en
Algérie plusieurs mois auparavant, avant d'être soudainement déclenchée à
un moment favorable et réalisée avec une remarquable économie de moyens
militaires. À Alger, le général Eisenhower prépare le débarquement en
Italie, via la Sicile et la péninsule méridionale. Mais le capitaine de
gendarmerie n'est pas connu des gaullistes. Suite au suicide de
Fred Scamaroni durant
sa captivité, le général Giraud tente d'animer la libération de la Corse.
Lorsque celui-ci propose au président Roosevelt un débarquement dans le midi
de la France, il songe déjà à la position stratégique de l'île pour un débarquement
en Europe. Colonna d'Istria est ainsi mandaté par le co-président du Comité
Français de Libération Nationale, alors tuteur officiel des forces de
gendarmerie d'Algérie et du Maroc, de la sécurité militaire et des services
de renseignement.
Nommé
chef d'escadron à titre provisoire, Colonna gagne la montagne, galvanise
les forces du maquis et
établit son PC dans le Niolo, au centre de la Corse. Vivant dans la
clandestinité, ses réseaux d'influence lui permettent d'unifier les différents
mouvements de Résistance, en faisant du Front national, seule organisation à même
d'entrer immédiatement en action, le creuset de son action. Il réussit en
outre à recruter méthodiquement de nombreux francs-tireurs, à organiser discrètement
la collecte derenseignements
essentiels sur l'ennemi et à ravitailler efficacement ses troupes par voie aérienne.
En juillet 1943, il regagne ainsi Alger, toujours sur le
Casabianca avant
de revenir sur l'île de Beauté avec 10 000 mitraillettes, 800
fusils-mitrailleurs et 12 tonnes de munitions. À plusieurs reprises, grâce à
l'appui de la population locale, il échappe de peu aux Italiens qui le
traquent. Ainsi, lors du transfert de son PC dans une grotte de la Casinca, dans
la montagne de Porri, ses hommes sont cernés par les carabiniers. L'occupant
met le feu au maquis alentour mais, grâce à l'appui des bergers, Colonna réussit
à s'évader. De même, lors de son interpellation par la police militaire
italienne, il a l'audace de se faire passer pour un agent des services secrets
italiens, ce qui lui vaut d'être libéré avec des excuses et une voiture à sa
disposition. À la suite de ces épisodes, Colonna laisse plus d'initiative à
la base, en décentralisant et en spécialisant les responsabilités de l'action
qu'il avait préalablement définies
En Italie où les Alliés progressent, les événements se précipitent. Le 8
septembre 1943, l'Italie capitule et signe un armistice ; le lendemain, le Front
national s'empare du pouvoir en Corse.
Dans le même temps, Césari favorise immédiatement le ralliement du général
Magli, commandant de corps italien d'Occupation, au camp Allié. Après le soulèvement
insurrectionnel du 10 septembre, il presse le haut-commandement d'Alger
d'intervenir pour ne pas laisser aux Italiens l'opportunité de libérer la
Corse de la présence allemande. Le débarquement des troupes françaises est
alors ordonné. Début octobre, à Bastia, les dernières troupes du Führer
sont repoussées par l'armée française :l'île constitue le premier département
français libéré.
À la suite de ces coups d'éclats, Césari devient membre de la nouvelle
direction de la gendarmerie, commandeur de la Légion d'honneur, décoré de la
Distinguished Service Order par la couronne britannique, avant d'être fait
Compagnon de la Libération le 16 août 1944. Détaché au commandement supérieur
des forces françaises en Grande-Bretagne, il entre dans Paris le 25 août 1944
avec la division Leclerc. Véritable coordinateur de la Résistance corse,
artisan infatigable de la Libération de l'île, le commandant de gendarmerie
Paulin Colonna d'Istria a, par son action, accéléré les préparatifs du débarquement
allié en Provence.