A CASA DI L' ABBADIA


Solitaire sur sa butte, dominant les vertes prairies du Taravo, A Casa di l'Abbadia, dresse son imposante silhouette comme un défi au temps malgré son toit, ses plancher effondrés, son état d'abandon, fière encore de ce qu'elle a été avec ses chaînages remarquablement appareillés, sa bretèche à mâchicoulis, son linteau de porte aux armes des Istria.

LA CASA DE L’ABADIA

 Cette imposante demeure, témoigne de l’insécurité de la côte aux XV ème et XVII ème siècles. Elle semble avoir été construite en 1653 par Alexandre Istria, qui demandait à cette même date l’autorisation de reconstruire l’église de Santa Maria di Traravo (5).

 Nous ne savons pas s’il reconstruisit effectivement cette église, mais cela paraît peu probable, en revanche, il construisit la maison. Ses armoiries figurent sur la porte principale, une tour donjonnée surmontée d’un balance de justice, il est à noter que l’une des tours est moins haute que l’autre, on se plait à y voir le signe d’une branche cadette de la famille des Colonna d’Istria.

 En fait, cela est peu vraisemblable, car Alexandre Colonna d’Istria, fils d’Ercole d’Istria descendait en ligne directe de Ghilfuccio d’Istria, il appartenait bien à la branche aînée des Colonna d’Istria.

 
Façade sud   Façade ouest

Plus bas, à quelques pas, l'Abbadia di Santa Maria di Taravu, dont on devine aux fondations à fleur la nef avec son abside semi-circulaire, mais aussi deux aires de battage témoins d'un passé de labeur, au rythme des saisons.  

Il ne  reste pas beaucoup de documents concernant la maison de l’Abbadia (ou Badia) et des vestiges de la petite église de Santa Maria du Taravo,  cependant, voici ce qu'en dit Joseph Cesari, Conservateur régional de l'archéologie depuis 1991 et chef du Service régional de l'archéologie de Corse :

 1.      l’Abbadia di Santa Maria di Taravo :

Les ruines sont actuellement presque invisibles. Il s’agissait d’un édifice de petite dimension, une douzaine de mètres sur 5/ 6m de large, son orientation classique était Est-Ouest. Il se terminait à l’est par une abside circulaire.

L’appareil utilisait haut par endroit de 0,20m, était apparemment régulier et utilisait des bocs plutôt petits, que l’on retrouve dans les murettes des champs voisins.

On ne peut donner une datation très sérieuse de ces maigres vestiges. L’utilisation du mortier de chaux comme liant permet de p, penser une datation assez haute, mais il est difficile d’évaluer une date avec certitude. Disons la période comprise entre le XIème et le XIVème siècle.

 Sur le plan archivistique, l’Abbadia de Santa Maria du Taravo est mentionnée comme faisant partie des possessions de l’abbaye bénédictine de San Bénigno de Gênes.

 Ce n’était qu’une église secondaire dépendante de l’Abbadia de Cruscaglia située à Moca Crocce.

 Une lettre du pape Eugène IV (pape du 3 mars 1431 au 23 févier 1447) datée de  1441 (1), nous apprend entre autre que l’Abbadia de Santa Maria du Taravo étaient ruinée.

 Le pape écrivait en fait au  piévan de Bonifacio auquel il demandait de bien vouloir s’informer sur la requête d’un certain François Sozoni, de « Corsicaglia », celui-ci, religieux Augustin des Servites de Marie désirait que lui soit concédée l’abbaye de Cruscaglia (Moca Crocce) ruinée… ˝causantibus guer(,) et aliis calamitatibus…˝ ainsi que l’église rurale Sainte Marie du Taravo abandonnée depuis longtemps… ˝que dirupte erat ac rectore longissima tempora caruerat…˝. Ceci avec l’accord de l’Abbaye ˝Sancti Benigni de Capité Fari de Venaria…parochialis ecclesia de Corsicalica sine monaterium nuncupata dicti ordini Sancti Benedicti Adjacensis diocesis et ab eodem monastério dependat…˝.

 Il semble donc que cet acte devait conférer les bénéfices de ces abbayes à d’autres que l’abbaye de San Benigno, en fait une lettre de 1564 (2) prouve qu’à cette date le Monastère de San Benigno de Gênes conférait encore le bénéfice de Santa Maria et de ses dépendances.

 Voici ce qu’écrivait l’abbé Casanova dans son histoire de l’église Corse :

Saint Grégoire parle encore d’un autre couvent dû aux libéralités d’une pieuse femme -religiosa femina- appelée Albina ou Labina. Il n’est pas encore habité - c’est peut-être l’abbaye bénédictine de Valle, aujourd’hui Taravo. Elle était dédiée à Saint Leonard, et l’église actuelle à Notre Dame.

Elle avait dit-on 12000 livres de revenus. Elle administrait la Paroisse d’Olmeto qui était alors un prieuré cure, c’est-à-dire une cure desservie par un religieux. En 1327, l’abbé Nicolino de Puriano ou Furiano fut nommé visiteur de Saint Jacques de Bonifacio diocèse d’Ajaccio. Il est probable qu’elle ait été détruite part les sarrasins vers cette époque. Depuis lors, le titre d’abbé est resté au curé d’Olmeto qui l’a gardé jusqu’à la Révolution (4). Cette abbaye ne dépendait ni de Montechristo, ni de Gorgone, elle était indépendante. ˝ En fait, sur ce point, l’abbé Casanova se trompait. L’abbaye de Santa Maria di Taravo dépendante de celle de Cruscaglia était une possession  de l’abbaye bénédictine de Benigno de Gênes. Nous pourrions sur ce simple détail voir combien les conséquences seront grandes pour l’avenir de la Corse toute entière, car il semble bien qu’après Bonifacio bastion irréductible de la Sérénissime République de Gênes, ce soit par le Taravo et aux demandes des populations de cette région  que les génois s’introduisirent en Corse au XIIème siècle. D’après la tradition, le génois Luciano de Franchi fonda le Castello qui devait quelques temps plus tard appartenir à la maison d’Istria au dessus du col de Calaccia (actuelles ruines du Castello d’Istria). En fait on pourrait rattacher à l’évolution historique générale, cette implantation religieuse de Gênes dans la vallée du Taravo. L’action des religieux n’aurait-elle pas eu pour conséquence d’incliner les populations autochtones vers les intérêts de la Sérénissime République , au détriment de sa rivale : Pise.

 Nous pourrions ici à partir de quelques exemples ouvrir aussi une série de questions concernant l’architecture romane-pisane et ses (illisibles).

   


(1)               Bibliothèque Universitaire de Gênes. Archivio del Monastoro di San Benigno. Mess. D.VII.56 ; N° 51.

(2)               Ibidem, N° 53.

(3)               Casanova (abbé).  Histoire de l’Eglise Corse, T.I. chap. le Moyen-Âge (les  premiers monastères). P. 25. Chez l’auteur à Zicavo.

(4)               Repris par Vidraghs Fidélis (père O.F.M.) in Notices Historiques sur la Rocca , Ajaccio Daroux éd. p. 17 (1962). Consulter également Morachini Mazel Geneviève, in Eglise Romanes de Corse, T. II Paris Klincksieck 1967 pp. 374, 377, 436.

(5)               Cité par l’abbé Casanova op. cit. cf. Archives Départementales de la Corse Registre G, folio 95.

 


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